La fragilité est un syndrome dont la prévalence augmente avec l’âge. Il est à différencier de la notion de multi morbidité. Dans la population de plus de 75 ans, 20% des sujets sont fragiles, 20% sont dépendants et 60% sont décrits comme robuste. La Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (SFGG) en 2011, l’a défini comme un syndrome clinique qui reflète la diminution des capacités physiologiques de réserve et altère les mécanismes d’adaptation au stress.
Tout comme les comorbidités du patient IC âgé qui nécessitent une prise en charge transversale pour limiter le risque de ré-hospitalisation ; la fragilité du patient doit être prise en compte.
L’insuffisance cardiaque (IC) aiguë est la première cause d’hospitalisation en France après 65 ans. Elle représente par conséquent l’un des premiers motifs d’hospitalisations dans les services de gériatrie. Cette pathologie est très fréquente chez le sujet âgé et 3 patients sur 4 hospitalisés pour cette pathologie ont plus de 75 ans (Données CNAM). Les gériatres sont donc régulièrement confrontés à sa prise en charge.
Les services de gériatrie sont en première ligne avec les structures cardiologiques dans la prise en charge de l’IC et une synergie de fonctionnement s’impose aujourd’hui. Les UGA (Unités de Gériatrie Aiguë) jouent leur rôle pour le diagnostic et la prise en charge initiale des épisodes de décompensation cardiaque ; les SSR dans l’optimisation progressive et prudente des traitements ; et les structures ambulatoires pour un suivi en collaboration étroite avec les cardiologues, des patients insuffisants cardiaques âgés, avec pour objectif de limiter le risque de ré-hospitalisation.
L’expertise gériatrique au sein de ces filières permet une prise en charge globale, adaptée au patient âgé, à ses comorbidités et son état de fragilité.
La prise en charge des patients
Les services
L’ensemble de la filière gériatrique est impliqué dans la prise en charge des patients. Pour l’hospitalisation complète, les Unités de Gériatrie Aiguës (UGA) jouent leur rôle pour le diagnostic et la prise en charge initiale des épisodes de décompensation cardiaque aiguë (Hacil A et al. 2022. J am Geriatr Soc.) ; les services de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) dans l’optimisation progressive et prudente des traitements et dans la rééducation des patients.
Les structures ambulatoires s’impliquent de plus en plus dans la titration des traitements médicamenteux de l’IC, et dans le suivi des comorbidités et facteurs de fragilité en collaboration étroite avec les cardiologues, avec pour objectif de limiter le risque de ré-hospitalisation. Le bénéfice montré de la réadaptation cardiaque chez le patient âgé IC (Kitzman DW, et al. 2021, N Eng. J Med.), encourage la poursuite d’adaptation des unités d’Hôpital de Jour-SSR (HDJ-SSR), pour offrir un accès à la réadaptation cardiaque à ces patient, plus polyvalente et associant au réentrainement à l’effort une rééducation des facteurs de fragilité.
Ces collaborations cardio-gériatriques étroites permettent :
- Le développement de compétences cardiologiques pour les équipes gériatriques avec la formation à la cardiogériatrie (plusieurs Diplômes universitaires ou inter-universitaires existent en France) et l’accès à l’échocardiographie, examen central dans la prise en charge de l’IC (soit directement après une formation à l’échographie cardiaque dans le cadre de projet professionnel bien identifié ou par un accès facilité à des créneaux d’échographie cardiaque à travers une collaboration étroite entre cardiologues et gériatres).
- La formation des équipes cardiologiques à la prise en charge de la fragilité et de la poly-pathologie du sujet âgé insuffisant cardiaque.
- La formation des équipes de cardiologie à la réalisation de score de dépistage de la fragilité type Short Emergency Geriatric Assessment (SEGA)
- Le développement d’unités de cardio gériatrie au sein de filières dédiées pour une prise en charge optimale du sujet âgé Insuffisant Cardiaque (Berthelot E, et al. 2021, J Clin. Med.).
Lors de la prise en charge d’un patient âgé pour Insuffisance Cardiaque, les problématiques sont les risque d’hypotension orthostatique, de chutes, d’insuffisance rénale, d’atteinte cognitives mais aussi al polymédication. Les traitements indiqués pour les patients âgés (IC à FE réduite/moyennement réduite et à FE préservée) sont les mêmes que pour les sujets plus jeunes mais avec une balance bénéfice/risque évaluée en tenant compte de leur fragilité. Cependant, on constate aujourd’hui que les sujets âgés sont de moins en moins correctement traités. Les traitements de l’IC leu sont moins bien prescrits et ils ont moins accès à la réadaptation cardiaque.
Ainsi, les essais en cours prennent en compte la fragilité des patients. Elle permet l’évaluation du patients dans son entièreté (motricité, nutrition, cognition, autonomie…). Une évaluation gériatrique avec dépistage de la fragilité permet d’argumenter la prise en charge et d’apporter une aide dans la décision thérapeutique.
Les tests utilisés pour l’évaluation globale et le dépistage de la fragilité :
Pour l’évaluation globale : le Score de fragilité de Rockwood :
Pour l’évaluation motrice : leScore SEGA :
0 critère: non fragile
1 ou 2 critères : pré fragile
3 critères ou plus : fragile
La fragilité constitue un élément pronostic majeur indépendant. Une évaluation gériatrique avec dépistage de la fragilité permet d’argumenter la prise en charge et d’apporter une aide dans la décision thérapeutique.
L’étude pilote Dapa-HF (avec dapagliflozine) (Source Cliquez ICI) sur l’IC à FE réduite a permis d’avoir des résultats stratifiés sur le niveau de fragilité des patients. Ils montrent que l’efficacité du médicament augmente avec le niveau de fragilité des patients.
Dans le mois suivant l’hospitalisation, le médecin doit rapidement mettre en place le traitement à l’IC du patient :
- bêtabloquants
- IEC ou inhibiteurs du système rénine-angiotensine II ou association sacubitril-valsartan
- antagonistes de l’aldostérone
- iSGLT2
La mise en place de ces molécules doit se faire avec une titration progressive et suivie jusqu’à la dose maximale tolérée.
Le triple rôle du gériatre dans la prise en charge de l’Insuffisance Cardiaque du sujet âgé :
1 : Dépister et Diagnostiquer
2 : Orienter vers le centre expert
3 : Évaluer la fragilité des patients pour optimiser leur prise en charge
Les outils à diffuser
– Le développement de compétences cardiologiques pour les équipes gériatriques avec la formation à la cardiogériatrie (plusieurs Diplômes universitaires ou inter-universitaires existent en France) et l’accès à l’échocardiographie, examen central dans la prise en charge de l’IC (soit directement après une formation à l’échographie cardiaque dans le cadre de projet professionnel bien identifié ou par un accès facilité à des créneaux d’échographie cardiaque à travers une collaboration étroite entre cardiologues et gériatres).
– La formation des équipes cardiologiques à la prise en charge de la fragilité et de la polypathologie du sujet âgé insuffisant cardiaque.
– Le développement d’unités de cardio gériatrie au sein de filières dédiées pour une prise en charge optimale du sujet âgé Insuffisant Cardiaque.
Les outils à développer
La mise en place d’un traitement optimum en développant une filière hospitalière et ambulatoire derrière pour suivre les patients âgés dans la période la plus critique après l’IC aiguë permettront l’amélioration de la prise en charge.