L'assurance maladie souhaite renforcer le parcours de soins de l'insuffisance cardiaque en 2023
La Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) souhaite améliorer la prise en charge et la prévention de l’insuffisance cardiaque en 2023 en renforçant le parcours de soins des patients dans son approche par pathologie présentée, selon son projet de rapport annuel « charges et produits », dont APMnews a eu copie.
Dans ce document de près de 350 pages, qui sera examiné par son conseil mercredi 13 juillet, la Cnam entend contribuer à hauteur de 1,2 milliard d’euros (Md€) au respect de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) dans le cadre de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, et inscrit ses propositions dans un cadre rénové et pluriannuel.
L’assurance maladie poursuit son approche par pathologies initiée en 2022 en ajoutant le diabète et en poursuivant les actions mises en oeuvre pour les maladies cardio-neuro-vasculaires, en particulier dans l’insuffisance cardiaque et la santé mentale, lit-on dans le projet de rapport.
Au sein des maladies cardio-neuro-vasculaires, l’insuffisance cardiaque est la troisième pathologie générant le plus de dépenses, à hauteur de 3 milliards d’euros (Md€) en 2020 derrière la maladie coronaire (4,3 Md€) et les accidents vasculaires cérébraux (3,9 Md€).
Elle est en baisse par rapport à 2019 d’environ 21.000 personnes (-10,5%), avec une réduction de plus de 100 millions d’euros (M€) remboursés (-6,6%), mais en lien avec un moindre repérage des malades dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Le recours aux soins hospitaliers constitue la principale rupture de parcours entre 2019 et 2020 (-1,2%), dans toutes les régions, et cette situation a perduré en 2021, avec des taux similaires à ceux de 2020.
Or, une hospitalisation pour insuffisance cardiaque peut être un premier épisode, à l’occasion duquel le diagnostic est posé, ou survenir chez une personne déjà atteinte, lors d’une exacerbation aiguë de la pathologie nécessitant une prise en charge hospitalière, ce qui la fera passer du statut chronique au statut aigu.
Prévoyant un impact de 36 M€ pour 2023, l’assurance maladie propose de renforcer le parcours de soins en mettant en oeuvre quatre actions:
- faire connaître les quatre signes d’alerte de l’insuffisance cardiaque
- amplifier le déploiement de Prado insuffisance cardiaque pour une sortie organisée de l’hôpital
- créer des équipes de soins spécialisées (ESS) de cardiologie couvrant l’ensemble du territoire
- proposer une télésurveillance à l’ensemble des patients présentant une insuffisance cardiaque sévère.
Elle rapporte dans son projet de rapport les résultats d’une enquête menée par la Société française de cardiologie (SFC) auprès de 793 patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque sur leur trajectoire et les symptômes en amont de la décompensation ayant conduit au séjour hospitalier.
Sur cette base, l’assurance maladie prévoit de lancer, « en septembre 2022, une campagne nationale de sensibilisation aux signaux d’alerte de l’insuffisance cardiaque » autour de l’acronyme EPOF correspondant à l’essoufflement, la prise de poids, l’oedème des membres inférieurs et la fatigue.
Une grande campagne nationale « en miroir » doit suivre en 2023, autour cette fois d’EPON, correspondant aux règles de vie que le patient et son entourage doivent adopter: exercice physique régulier, surveillance régulière du poids corporel, observance optimale au traitement et restriction de l’apport alimentaire en sel.
Inclure un tiers des malades éligibles dans Prado
Concernant le programme d’accompagnement du retour à domicile (Prado), celui-ci fait l’objet d’une priorisation importante en 2022 par rapport aux autres volets pour accompagner le déploiement de l’ensemble du parcours de soins, qui sera poursuivi en 2023. Il s’agit d’atteindre un tiers de la population éligible à ce programme en sortie d’hospitalisation, soit 40.000 personnes accompagnées par an.
Un indicateur de la prise en charge des patients insuffisants cardiaques figure désormais dans le contrat d’amélioration de la qualité et l’efficience des soins (Caqes), initié entre établissements de santé, agences régionales de santé (ARS) et assurance maladie.
Le déploiement optimal du parcours de soins repose également sur la structuration « indispensable » d’équipes de soins spécialisées (ESS) de cardiologie sur l’ensemble du territoire. L’ARS Ile-de-France soutient un projet d’expérimentation initié en janvier dans les départements de Paris et du Val-de-Marne, où l’ESS de ville vise notamment à assurer l’accès à une expertise cardiologique en cas d’indisponibilité ou d’absence du cardiologue traitant. Un autre projet, porté par le Syndicat national des cardiologues, a pour but de garantir l’accès aux soins cardiologiques à des patients exposés à des difficultés, tels qu’une offre de soins territoriale insuffisante, des résidents en Ehpad, la population carcérale ou des patients sous thérapeutique psychotrope complexe.
Ces ESS de cardiologie sont « un prérequis à la généralisation de la télésurveillance de l’insuffisance cardiaque, a fortiori dans les territoires où celle-ci ne peut être assurée par une équipe hospitalière », souligne la Cnam. Avec l’entrée dans le droit commun du financement de la télésurveillance en 2022, l’objectif est de « généraliser au plus vite la télésurveillance de l’insuffisance cardiaque sévère et très sévère, selon les critères d’inclusion élaborés par la HAS ». La Haute autorité de santé a publié un référentiel en janvier, rappelle-t-on.
L’expérimentation « article » 51 menée à l’hôpital Henri-Mondor de l’AP-HP à Créteil établit plusieurs prérequis pour mener à bien ce projet: une télésurveillance assurée par une équipe pluriprofessionnelle comprenant des infirmiers ayant acquis des compétences spécifiques, auxquels la gestion des alertes est déléguée, et un cardiologue joignable à tout moment assurant la sécurisation de l’équipe, et notamment un dispositif de balance connectée car la prise de poids rapide est l’un des signes les plus fréquents de décompensation.
Développer la prévention primaire
Outre l’amélioration de la prise en charge des patients insuffisants cardiaques, la Cnam souhaite davantage prévenir l’évolution vers l’insuffisance cardiaque des personnes à risque. Pour cela, grâce au système national des données de santé (SNDS) et à la cartographie médicalisée des dépenses, elle a suivi la survenue d’une insuffisance cardiaque au cours du temps chez des patients porteurs d’une maladie coronaire au 31 décembre 2015 et suivis pendant quatre ans.
Fin 2019, l’incidence cumulée de l’insuffisance cardiaque était d’environ 14% (incidence annuelle moyenne de 3,5% à 4%), en incluant les patients décédés après avoir développé la maladie. L’évolution vers l’insuffisance cardiaque est encore plus fréquente en cas de comorbidités, notamment un diabète, un infarctus du myocarde, une valvulopathie et un trouble du rythme cardiaque.
La Cnam rappelle par ailleurs avoir conçu, à partir du SNDS, un outil de diagnostic territorial, qui peut être paramétré sur une région, un département ou un regroupement de communes ou une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Les professionnels peuvent ainsi « identifier des points d’attention dans la prise en charge des patients insuffisants cardiaques du bassin géographique paramétré et initier, dans une dynamique de coordination, des actions correctrices ».
Source: APMnews :https://www.